How to kill time

Tournée

Quelques temps déjà après le festival de Cannes pouvait-on - enfin - avoir droit au premier film primé, celui de Mathieu Amalric, traitant - pour faire vite - d'une troupe de New Burlesque.

 

 

TOURNEE

 

 

 

Une affiche parodiant allègrement l'art d'un certain Toulouse-Lautrec...

 

 

 

Eclatant. Tel est le premier mot qui peut venir à l'esprit une fois la séance terminée. Poétique. Virevoltant. Enjoué. Beau, simplement.

Le film démarre comme il s'achève, sur un rock endiablé des 60's, un rock garage de The Sonics, vibrant et vivace sur lequel dansent alors les néons criards, générique semi-documentaire juxtaposant de vrai(e)s artistes de ce mouvement "nouveau burlesque" aux acteurs affublés d'un rôle... C'est dans cet univers décalé,  un peu dépassé, que déboule Joachim Zand, ex-producteur de télévision - un peu pourri, apprendra-t-on fugacement - revenu des Etats-Unis avec un spectacle inédit en France, nouveau et novateur. Tout dans son comportement témoigne de son caractère divisé : la nouveauté qu'il apporte contraste avec ses habits d'une autre époque,  un peu ringards dans le monde actuel, ses colères avec son enthousiasme communicatif, sa solitude avec son entourage immédiat.

Cette troupe d'effeuilleuse qu'il emmène autour de la France, du Havre à Toulon en passant par la Rochelle est véritablement  le coeur du film, Joachim n'étant presque qu'un prétexte servant à expliquer leur périple ferroviaire. Car Joachim, voulant donner l'apparence de contrôler son spectacle et ses "girls", n'est rien que celui qui "[leur] a payé le billet d'avion." Les femmes - Mimi de Meaux, Kitten on the Keys, Dirty Martini, Julies Atlas Muz, Evie Lovelle - et l'homme - Roky Roulette - qui offrent leurs performances sur scène le prônent :  The New Burlesque is "women doing shows for women. The man doesn't control it anymore. We make our own numbers, we express ourselves as women."

Les femmes reprennent les rênes.

 

 

 

God Bless the States

 

 

 

Cette ode féminine aurait pu être manquée si elle avait été enduite d'un machisme trop habituel au cinéma. Mais ici, rien de tel. Au contraire de l'iconographie habituelle, ces femmes affichent leurs formes, leur corpulence avec un plaisir contagieux. Elles ne sont pas top models ? Et alors ? Elle n'en sont pas moins femmes, et férocement - l'on repensera alors à la scène d'amours passagères dans les toilettes où Mimi se voit contrainte de reprendre en main son étalon maladroit. Le tout est d'aimer son corps, comme les "girls" le font justement remarquer à la plus jeune arrivée, Evie, qui a encore peur d'enlever son soutien-gorge devant le public, mais qui y est "presque", toujours.

Le film est dirigé par l'énergie de cette bande tapageuse et survoltée dont la bonne humeur et l'humour autodérisoire fait plaisir à voir et à ressentir. Maternées par Joachim - qui va jusqu'à leur dire d'aller au lit, se comportant comme un père avec elle, lui qui est démissionnaire de ses propres rejetons mal élevés - cette troupe l'entoure et l'adopte jusqu'à le baptiser "Prince Grenouille." Un surnom fortement bien trouvé pour cet être qui rebondit systématiquement, même lorsque, forcé de laisser les danseuses derrière lui pour retourner dans un Paris hostile où tout s'oppose à lui - anciens amis, ancienne maîtresse, femme absente, enfants - il finit par retourner le plus vite possible dans cette famille de substitution, elle qui l'a adopté ne connaissant pas son passé de salaud, d'ordure de service. Ses traits du passé resurgissent d'ailleurs pas violents à-coups, notamment envers Mimi qu'il insulte durement, mais cet homme que l'on a envie de gifler par moments - comme, du reste, le fera ladite Mimi ou même Kitten en lui lançant un cinglant "Fuck you" - peut se transformer en prince charmant - métamorphosé de son état de grenouille apparent - pour devenir un dandy maniéré, charmeur, enfant - ses yeux brillent devant les lumières des spectacles - et maniaque - monsieur vole sucres, bonbons, allumettes aux bars de manière quasi-frénétique. Il va à contre-courant dans un monde mou et fade, proposant lumières, strass, kitsch et autodérision dans une société haineuse et grise. Son engagement va même jusqu'à le pousser à demander d'éteindre, en toute occasion, la musique lente et lénifiante des lounges d'hôtels.

 

 

 

If Le Havre loves you, France will love you !

 

 

 

Amalric nous livre ici le portrait d'un homme voulant renaître, croyant dur comme fer à sa chance, entouré de femmes plus felliniennes et girondes les unes que les autres, faisant de son film une image même du cinéma, comme une mise en abyme au travers de la loupe du music-hall. Le film oscille d'ailleurs entre français et anglais comme s'il cherchait à faire cohabiter - contre toute idée reçue, d'ailleurs, comme le leitmotiv de Joachim - esprits français et américain. Et l'alchimie fonctionne.

La musique - un régal ! - vient parfaire le tout, accompagnant parfaitement l'énergie insufflée par ces femmes déchaînées. Un beau film d'amour, non seulement entre deux êtres perdus, mais entre plusieurs humains, un film constructif et constructeur, prônant le "alone, we can't do anything, but as a group, here, we can" créant des liens, des amitiés, inébranlables.

Même le hurlement final de The Sonics ne pourra rien remettre en cause.

A voir de toute urgence.

 

 

 

Tournée

De : Mathieu Amalric

Avec : Mathieu Amalric, Miranda Colclasure, Linda Maraccini, Julie Ann Muz, Angela de Lorenzo

Durée : 1h51

Année de production : 2010



09/08/2010
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