How to kill time

The Dark Knight Rises

En cette époque de renaissance de super-héros de tout poil, la chauve-souris sous créatine la plus connue du monde revient sur nos écrans pour conclure une trilogie finalement assez bancale.

 


The Dark Knight Rises

 

 

Le chevalier noir se relève, et il n'est pas content du tout. A défaut d'expressions faciales, Christian Bale sait bien serrer les poings.

 

 

Depuis l'horrible Batman Begins en 2005 déjà, suivi par The Dark Knight - dont le principal intérêt, convenons-en, était le talent d'Heath Ledger - en 2008, Christopher Nolan nous propose un ultime film de l'homme chauve-souris issue de DC, Batman. (cette phrase est inintéressante, mais suffisamment pompeuse pour attirer le chaland)

Afin de couper tout de suite court à toute interrogation dans ta tête, lecteur adoré, je vais pourrir cette critique en t'en dévoilant la fin : ce film est une perte de temps, d'argent et de neurones. En clair, ce n'est pas vraiment très bien. Remarquons tout de même l'effort qu'ont fait les producteurs en terme de marketing, parvenant, une fois encore, à faire aimer le film avant même sa sortie. JE resterai toujours bouche bée devant ce tour de passe-passe systématique. Mais revenons à nos moutons.

Le film - affreusement long quand on s'ennuie (2h45 - autant cela est trop court chez Tarkovski, autant, chez Nolan, ça vous file la migraine plus une diarrhée carabinée) - commence par la présentation des personnages. Le grand méchant, Bane, terroriste international, plus intelligent que la CIA (qui semble avoir de belles têtes de vainqueurs dans ses rangs) montagne de muscle à l'accent de londonien sudiste, apparaît dès les premières minutes dans une séquence d'action digne de Goldeneye. Quelques coups de poings, une voix un rien fluette et deux explosions plus tard, nous comprenons qu'il s'agit d'un méchant très très méchant au charisme d'une huître. Hélas, les muscles du Tom Hardy, bien qu'imposants et remplissant l'écran, ne lui confèrent pas plus de présence... Depuis Dark Vador, il semblerait que els héros à la respiration difficile ne soient plus à la mode.

Allant de scène d'action en scène d'action, l'on découvre alors Selina Kyle - Catwoman, voleuse hors pair à la recherche d'une virginité sociale, Bruce Wayne, meurtri dans son petit coeur par la mort, 8 ans auparavant de son amour de toujours (malgré l'entraînement de ninja, Bruce est un grand sentimental, oblitérant ses émotions derrière le visage immobile de Christian Bale), on redécouvre le commissaire Gordon, écrasé par ses doutes et remords. Ce dernier, d'ailleurs, se prépare à réparer l'injustice faite à la fin du Dark Knight mais se ravise, nous permettant de comprendre que, plus loin dans le film, cet artifice sera utilisé à ses dépends... Mais chut, la tension est à son comble.

Batman reprend donc la route de la justice (enfin de "sa" justice) et s'en va chasser les méchants, défendant la veuve, l'orphelin et aussi la bonne morale.

Comme toujours, qui dit nouveau méchant dit remise à niveau, et notre petit volatile tout de noir vêtu devra se prendre une vilaine rouste avant de pouvoir, de nouveau, se remettre à voler pour chier sur la gueule des passants. Pardon, pour faire régner l'ordre.

 

 

 

Bane, ou comment Hannibal Lecter a décidé de porter des manteaux de fourrure

 

 

Avec de surcroît une surabondance de personnages, ce qui était à craindre arrive : les personnages ne restent que des esquisses de ce qu'elles pourraient être, Christopher Nolan arrivant habilement (avouons-le) à donner une impression de relief à ces êtres plus plats encore qu'une feuille de cigarette. Ceci étant, il avait déjà fait le coup dans Inception, ce côté roublard n'était plus à présenter. Les buts des antagonistes sont simples, sinon simplistes, il s'agit de détruire une ville déjà corrompue pour rétablir l'ordre et l'équilibre du monde - exactement comme dans Batman Begins déjà. (et non, je ne "spoile" rien, ceci est raconté dès le tout début du film)

En plus de cet excès digne de l'annuaire, le film aligne, à la suite, scènes d'action non reliées entre elles, ou peu, entrecoupées de longs dialogues pompeux expliquant, au choix :

- Ce qu'il s'est passé,

- Ce qu'il va se passer.

Il est cependant aimable d'avoir de tels rappels, on peut ainsi aisément aller se repoudrer le nez pendant 15 minutes dans perdre une miette de "l'intrigue". Car DKR (pour les intimes) est atrocement bavard et se perd en interminables atermoiements ou réflexion lapidaires. Par exemple Blake, le jeune policier amoureux de Batman, faisant remarquer à Gordon se fautes et le jugeant aussi précipitemment que le tribunal fantaisiste Carollien de Gotham : "You've got a lot of dirt on your hands," lâche-t-il, aveuglé par la passion qu'il développe pour le héros. Passion qui en est d'ailleurs tellement maladive que l'on ne se doute pas une seule seconde du futur que pourra avoir ce personnage, mais alors pas UNE SEULE seconde. Ajoutons à cela un policier un peu couard mais finalement "courageux", un Alfred moralisateur au possible, une Catwoman charmante mais vraiment potiche (dommage, Anne Hathaway méritait vraiment mieux), et Lucius Fox - impeccable Morgan Freeman - dépassé par les événements. Ce dernier semble d'ailleurs s'interroger sur la logique du scénario en étant si perdu qu'il devait certainement demander  aux techniciens sur le plateau quelles étaient ses prochaines actions. Enfin, une nouvelle venue, Miranda Tate, sous les traits (épuisants) de Marion Cotillard, campe un personnage dont l'intérêt scénaristique est là encore non seulement discutable mais aussi téléphoné.

Le plus intéressant à faire, à ce moment-là - soit au bout de 20 minutes de film - étant de savoir, qui de Christian Bale ou de Marion Cotillard est la personne la plus inexpressive.

 

 

 

La scène d'action la plus intense du film, paroxysme psychologique du film, avec le jeu des masques, des personnalités cachées, tout ça... ou pas, en fait.

 

 

Enfin, et peut-être même ce qui est le plus gênant dans ce film reste (et certains vont hurler) l'angle idéologique pris par Nolan. Certes, les super-héros sont et resteront de vieux conservateurs épris des règles héritées et refusant toute évolution, tout changement, allant jusqu'à faire justice eux-mêmes, contre la société. Bref, en plus de véhiculer une certaine idée de la justice - chacun fait sa justice, à condition d'être suffisamment fort, variante de "la raison du plus fort est toujours la meilleure" chère à La Fontaine - le super-héro est un sociopathe chronique. Ce qui est frappant dans les Batman de Nolan sont le mépris du "peuple" qui est à chaque fois véhiculé. Batman Begins montrait la destruction des bouges de la ville sans que quiconque ne s'en soucie vraiment, Batman n'y allant vraiment que pour sauver sa belle et arrêter les méchants avant qu'ils en frappent le symbole même de la Civilisation (avec un C majuscule) : la tour Wayne, centre de la ville. Là, déjà, le monde gravitait autour du pouvoir financier qu'il fallait à tout prix protéger. Pourquoi Batman, en bon héros désintéressé n'aurait-il pu faire exploser SA tour, pour parvenir au même résultat ? C'est un exemple. Dans le Dark Knight, la torture - Batman passant le Joker à tabac - était justifiée pour qu'il parle, faisant tristement écho aux tortures recensées par l'armée états-unienne alors en guerre en Irak.

Ici, après Inception, film dans lequel le seul but était de détruire un empire financier pour un autre - nulle place pour l'amour ou autre perversion qui aurait pu donner un quelconque intérêt au film - Christopher Nolan nous ressert sa soupe.


J'en entends déjà qui disent "c'est un film, il n'y a pas à chercher de sous-entendu politique/idéologique/sexuel/lapinesques" (barrez la mention inutile). Un peu comme Jerry Bowyer de Forbes, je trouve que cette remarque ne montre qu'une paresse intellectuelle des plus crasses. Ce n'est certes qu'un film, mais il témoigne d'une vision de ses scénaristes et plus encore de son réalisateur.

 

 

 

Le face-à-face final, aussi appelé "Créatine vaincra"

 

 

Passons outre le fait que Batman soit un milliardaire qui combatte le crime - donc forcément les pauvres (ou majoritairement les plus démunis) - grâce à des inventions qu'il est le seul à pouvoir se payer. Passons outre le fait que, grâce à cet argent, il se met lui-même au-dessus des lois, étant justicier solitaire - et masqué.

Ce qui choque, dans ce film - ou du moins ce qui a choqué ma petite sensibilité - est le personnage de Bane. Ce dernier, sorte de mélange de Che Guevara des temps modernes aux dents de fer et de Boukharine, s'en prend aux plus aisés - la Bourse et par là même, Bruce Wayne - pour, dit-il, que le peuple puisse être libre. Cependant, son discours est fallacieux, il sait lui-même vouloir instaurer une anarchie dans gotham non pas pour changer le monde, mais simplement pour détruire. L'anarchie autrefois révolutionnaire, novatrice et libertaire devient ici chaotique et destructice. Et menteuse. Ainsi portée par cette homme sans visage - clin d'oeil aux mouvements Occupy Wall Street (dont les journaux se sont régalés un peu partout) - tout discours portant atteinte à l'ordre établi, fût-il créateur d'inégalités criantes, devient suspicieux, menteur, violent. Bane d'ailleurs reprend cette violence à Robespierre en libérant tous les prisonniers et instaurant cette parodie de tribunal dirigé par le Docteur Crane (l'épouvantail). Prétendant parler au nom du peuple - écrasé, clivé, comme le représente Selina Kyle, il se sert de cela pour instaurer un monde sans lois, où chacun devrait, finalement, se battre. Même elle, pourtant joyeuse de penser à cette tempête qui approche ("There's a storm coming," susurre-t-elle à l'oreille de Bruce Wayne) finit par se mordre les doigts. Finalement, la critique anti-capitaliste est acceptable (après tout, laissons parler les utopistes rêveurs, etc.) mais l'application de leurs idéaux ne peut mener qu'à un cauchemar sans nom, digne des plus belles dystopies post-apocalyptiques. En définitive, hors du système actuel, point de salut.

Cela revient finalement à donner corps aux paroles de Frank Miller (dont Nolan se serait inspiré pour son film) concernant les Occupy : "The "Occupy" movement, whether displaying itself on Wall Street or in the streets of Oakland (which has, with unspeakable cowardice, embraced it) is anything but an exercise of our blessed First Amendment. "Occupy" is nothing but a pack of louts, thieves, and rapists, an unruly mob, fed by Woodstock-era nostalgia and putrid false righteousness. These clowns can do nothing but harm America." (visible ) - Notons qu'il oublie par là le fait que, comme l'avait parfaitement souligné Alan Moore (scénariste de BD lui aussi, et un rin plus cultivé...) : "As far as I can see, the Occupy movement is just ordinary people reclaiming rights which should always have been theirs." (visible ici) Ou même Paul Krugman qui estimait que ce mouvement avait pour le moins raison dans ses revendications... Mais nous nous égarons.

En définitive, le film reprend ainsi, là encore, l'idéologie très souvent dénoncée du dessinateur susmentionné.

C'est alors que revient notre splendide héros body-buildé, pour rétablir l'ordre et devenir une légende, voire un culte (je n'en dis pas plus, mais la fin du film est assez parlante...) On pourra y voire, comme certains, une resucée de Dickens (Un Conte de deux cités), notamment avec le discours de Gordon à la fin, reprenant les paroles de Sydney Carton, se sacrifiant pour une cause "plus noble" (chez Dickens, son amour pour Lucie Manette) : "It is a far, far better thing that I do, than I have ever done; it is a far, far better rest that I go to, than I have ever known." Cela reste cependant marginal, et se veut plus une excuse culturelle qu'autre chose.

Le milliardaire se sacrifie en tabassant le vilain anarchiste menteur - dont la bouche est cachée, forcément, il raconte des bobards, là où Batman a la bouche libre, disant la vérité (ou presque) - et devient une légende adulée en sauvant le monde. Les forces de police sont ridiculisées à travers cette scène totalement ahurissante où l'assaut est frontalement donné contre les soldats de Bane. Ou comment des hommes armés de pistolets comptent rivaliser d'autres hommes munis d'arme de guerre... La couardise - ou plutôt la peur de certains - ne peut d'ailleurs, selon cette morale, être excusée que par la mort courageuse (ou stupide, autant se jeter directement sous le canon de l'ennemi). En définitive, on a un bon darwinisme social (critiqué déjà par Darwin lui-même, pui après par Kropotkine) selon lequel les héros ne peuvent être n'importe qui, contredisant les dires (populistes ?) de Batman-Wayne : "Anyone can be Batman."

L'ordre est rétabli, tout redevient comme avant, la morale est sauvée. Amen.

 

Ah, et j'oubliais. Marion Cotillard dans sa scène de fin est comme à son habitude, tragique.

 

 

 

The Dark Knight Rises

de : Christopher Nolan

Avec : Christian Bale, Gary Oldman, Tom Hardy 

Durée : 2h44

Année de production : 2012

 




01/08/2012
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