How to kill time

Sucker Punch

Histoire de reprendre vie en ce blog par une touche de finesse et d'intelligence, reprenons peu, reprenons bien, parlons du nouveau film de celui qui avait déjà - il fut un temps - commis 300...

 

 

 

Sucker Punch

 

 

L'affiche, dans toute sa finesse, montre que la philosophie jouera un rôle important

 

 

 

 

Tout d'abord, annonçons clairement la couleur, Sucker Punch est digne de sa bande-annonce. Il dure juste plus longtemps, voilà tout.

Histoire de "recontextualiser" un peu les choses, parlons un peu du scénario.

Soit une jeune femme de 14 ans... pardon, de 20 ans (on y croit tous) dont la mère vient de mourir qui se fait certainement abuser par son beau-père et qui finit par se faire interner en hôpital psychiatrique pour avoir (peut-être...) causé la mort accidentelle de sa soeur. Dans 6 jours, elle sera lobotomisée suite à un arrangement effectué entre son tuteur et un infirmier.

Le synopsis de départ, quoique classique, pourrait être intéressant, surtout si l'on tient compte de la façon très stylisée dont le réalisateur, Zack Snyder, présente les faits ci-dessus énoncés. Le "passé" immédiat de Baby Doll, l'héroïne, se résume en effet à un gros clip ressemblant de beaucoup à un comics doublé par une reprise de Sweet Dreams "à la Marilyn Manson" par Emily Browning, interprète d'ailleurs la jeune Baby Doll...

Situé dans un univers (volontairement ?) anachronique - pour des raisons "esthétiques" avant tout, on le suppose - le début de l'internement de la jeune femme a tout pour plaire. Un début de mise en abyme s'annonce pour finalement... s'effondrer dès la première "danse". Piégée dans son asile de fous, la jeune Baby Doll va s'inventer un nouveau monde - un bordel, pour être exact - dans lequel ses amies (imaginaires) et elle-même évoluent afin de pouvoir trouver un moyen de s'échapper. Si le parallèle est intéressant et attise alors l'intérêt du spectateur, ce dernier finira vite par déchanter...

 

 

 

Non, nous ne sommes pas dans une production Marc Dorcel mais dans un blockbuster...

 

 

 

En effet, pour échapper à ce monde, pour trouver un moyen de s'évader, la jeune héroïne est soumise à la "méthode polonaise" qui se répercute en son monde fantasmé en séance de danse.

Et là, c'est le drame.

Ces danses marquent le combat de la jeune femme pour survivre, pour s'échapper, pour ce que l'on veut, même, peut-être, pour pouvoir manger des macaronis le soir. Las, plutôt que de jouer sur un énième parallèle lynchéen - que Snyder semble vouloir imiter - ces séquences se résument à de longues, très longues, trop longues scènes d'action chiantissimes. Et je pèse mes mots. Répétitives, assommantes par la succession saccadée d'images au bruit d'une musique tonitruante, lorgnant vers les pires jeux vidéos qui soient, ces dernières lassent. Si seulement on avait la manette, on pourrait mettre le jeu en pause ou mieux, éteindre la machine. Mais non...

Ces séances, heureusement peu nombreuses - 4, si ma mémoire ne me fait pas défaut - doivent cependant remplir plus de la moitié du film... Et quand on se met à regarder sa montre...

Cela, me direz-vous, n'est qu'une maladresse, le scénario voulant jouer sur la folie de ces personnes et sur les représentations qu'elles se font de leur univers afin de mieux (sur)vivre. Le problème vient majoritairement du fait qu'aucun personnage n'est développé, aucun personnage n'a quelque poids psychologique ce qui, pour un film jouant sur la psyché humaine, est, sinon regrettable, tout de même une monumentale erreur. D'aucuns ont émis l'hyopthèse que la véritable héroïne du film serait en réalité Sweet Pea et non Baby Doll. Cela marche aussi dans l'autre sens. Baby Doll se transpose sur la fille qu'elle voit sur scène - le personnage, donc, la marionnette - s'enferme dans son monde et *pouf* ça fait des Chocapics. Chaque autre personnage féminin n'étant qu'un artifice qu'elle se créé pour s'illusionner elle-même. Bien. Et alors ? Alors l'on vous soutiendra que le film est profond et demande réflexion. Mais non, désolé de contredire ces propos. Les personnages, comme il a été dit, sont unidimensionnels. La plongée dans le monde fantasmé n'a permis au réalisateur que de se cacher derrière un univers épileptique dénué de tout sentiment, froid. Et la folie que l'on tente de nous faire accepter ne tombe que comme un cheveu dans la soupe à la toute fin, sorte de Deus Ex Machina permettant de sauver le Titanic déjà en train de couler. Plutôt que de raconter, le film montre. Et c'est là l'erreur monumentale. Nous ne sommes confrontés qu'à un livre d'images, plat, morne, simple pour ne pas dire simpliste - les ressorts ont déjà été usés dans des films précédents, la création d'un tel monde imaginaire déjà entreprise, en mieux, dans des films plus subtils comme l'Echelle de Jacob ou même Pi. (ce dernier étant d'ailleurs beaucoup plus complexe)

 

 

Voici à peu près la seule expression faciale qu'a Baby Doll tout au long du métrage

 

 

 

D'aucuns y ont vu la revanche des femmes opprimées sur leurs oppresseurs masculins. J'avoue avoir quelques difficultés à reconnaître cette idée dans ce film. Qu'elles soient ouvertement écrasées par l'homme, cela est indéniable, la mise en scène, dans toute sa légèreté, nous fait bien comprendre qu'elles ont toutes - ou presque - été violées sinon par un proche, au moins certainement par Mr Blue, l'infirmier pourri. (et tête à mornifles) Cependant, se battre contre des zombies  en combinaison moulante laissant paraître la moitié du corps est à cent lieues de ce que l'on peut qualifier de féministe mais au contraire gentiment sexiste en renvoyant ces jeunes femmes à ce que "l'on" attend d'elles : être un joli corps et qu'elles la ferment, tant qu'elles remuent leur derrière. Il est vrai que, vu le niveau des dialogues, il vaut peut-être mieux qu'elles ne disent rien... Ainsi, elles ne sont qu'un bout de chair, un véritable jouet entre les mains de leur bourreau, jouet consentant, même, tant l'épouvantable "il existe d'autres manières de fuir" fait cruellement penser à un "accepte et ta gueule." Cela rend assez nauséux. Après tout, le "monde alternatif" est un bordel. L'évasion première passe donc par la prostitution, moyen de libération ultime de la femme s'il en est. Si l'on ajoute à cela le fait que les héroïnes ont méchamment l'air d'être mineures, on pourra comprendre le malaise qui plane autour du film.

C'est violemment un "film de mecs", dirigé pour un public préférentiellement adolescent et en pleine poussée hormonale. Et encore, même ça, ce serait prendre les ados pour des cons...

 

De plus, la voix off a beau répéter inlassablement que la quête que nos jeunes donzelles entreprennent va les changer à jamais, ces dernières restent monolithiques, comme un livre d'images. Mais ça tire à gros calibre. A ben alors... On peut aussi noter l'expression systématiquement figée des jeunes femmes. On peut diviser le film en trois parties : un clip musical, un jeu vidéo, une fin pompée sur l'excellentissime Brazil de Terry Gilliam. Mais il ne suffit pas de copier les maîtres déjà cités pour faire un bon film.

Outre l'emmerdement qui finit par nous prendre au bout de la 20e minute - et encore, je suis patient - l'envie de gifler tour à tour chacun des personnages d'abord, puis l'équipe technique ensuite, pour enfin finir par achever le réalisateur à coups de portières de Lada nous prennent successivement.

Oui, l'image est léchée, cela est indéniable. En revanche, c'est un peu la seule chose qu'il ait pour lui. La bande annonce laissait supposer une histoire décérébrée, nous l'avons.

En réalité, le véritable Sucker Punch - coup interdit - est celui que voudrait faire Snyder en nous lobotomisant afin de nous faire accepter la réalité virtuelle qu'il nous offre : que son film est bon.

Bien essayé. A trop suivre la mode écolo et à trop vouloir recycler, Snyder prend notre or et en fait de la boue. A chaque époque sa poésie.

 

 

 

 

Sucker Punch

De : Zack Snyder

Avec : Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone

Durée : 1h50

Année de production : 2011



14/04/2011
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