How to kill time

Shutter Island

Ladies and gentlemen...

 -Redrum ! Redrum ! Redrum !

Il est une chose à constater, certains réalisateurs sont, du fait de leur renommée, toujours attendus au tournant lorsqu'ils réalisent - ou commettent - une oeuvre cinématographique.
Il semblerait évident de dire que tout cela est d'une banalité absolue tant il semble normal d'attendre une oeuvre d'une personne dont on sait qu'elle est capable du meilleur. Ou pas.

Avant de me perdre en logorhées digressives dont je suis si friand, permettez-moi de vous présenter le problème du jour. Ayant beaucoup entendu parler de la dernière réalisation du très, trop même, célèbre Martin Scorcese, je me suis mis en tête d'aller contempler son dernier ouvrage au cinéma en bas de chez (enfin, au coin de la rue, qui a l'extrême avantage de présenter un certain nombre de films dans leur langue originelle).

Quelques heures plus tard, après un temps de gobage certain et un certain temps de digestion, voici quelques vues purement personnelles sur :


SHUTTER ISLAND


- Joyeux anniversaiiiiiire ! Joyeux anniversaiiiiiiiiiiiiiiire !

Aussi appelée "l'île volet". Et en parlant de voler, vous le serez si vous allez le voir.

Afin d'être bref, précis et concis, je vous donne tout de go le fond de ma pensée : n'allez pas le voir.

Après un choc aussi violent qu'un Tsunami sur le World Trade Center, permettez-moi d'expliciter cette vue assez originale, si j'en crois le nombre de dithyrambes que j'ai eu le loisir de lire avant de me décider d'aller voir cette chose.

Scorcese est un très bon metteur en scène, accordons-lui cela. DiCaprio un excellent acteur, reconnaissons-le.


Mais tout s'arrête là.


- Ouais, moi aussi j'ai rigolé en voyant ma radio des poumons.

Sur fond de folie, dans un univers forcément claustrophobe - mais oui, "forcément", l'on est toujours prisonnier de sa tête dont on veut sortir, de son ça dont on veut se débarrasser, ou de son surmoi que l'on veut émasculer - d'un splendide hospice pour aliénés mentaux, Scorcese nous fait le récit de ce que l'on pourrait à première vue - et merci de noter cette atténuation - qualifier de descente aux enfers d'un marshall à la recherche d'une prisonnière disparue. Tout commence un peu par un drame à la Gaston Leroux : "la personne s'est évadée d'une pièce fermée de l'extérieur..."

Ouhhh, je vous vois trembler. Moi aussi, j'ai froid.

Fort de ce début dont on suspecte qu'il va nous mener vers bon nombre de rebondissements et de fausses pistes - nous ne serons pas déçus, rassurez-vous - Scorcese emploie l'artillerie lourde de la légèreté, j'ai nommé "Berta 2.0" (parfois appelée "Michael Bay" mais je n'oserais tout de même pas utiliser un tel qualificatif ici). Ainsi, l'arrivée à l'asile se fait-elle sur fond d'orage, de plaque funèbre, de policiers patibulaires et de musique grandiloquente, lourde, appuyée une vue subjective finale qui nous fait bien comprendre que, dès à présent, nous sommes prisonniers de cet asile. Cela s'accentue dans les dix minutes qui suivent par des raccords à la "Darren Aronofsky" (le réalisateur de Pi et Requiem for a Dream) se concentrant sur des gestes courts, saccadés, successifs.
Exemple : gros plan sur les clés, verrou qui s'ouvre, porte qui claque. En trois plans différents, bien évidemment. Certes, cela semble casser brutalement avec les faux raccords de la scène sur le bateau et des quelques autres qui seront ainsi parsemés dans tout le film. Nous pouvons l'admettre, là où ceci permettrait de créer un malaise, comme des les deux films d'Aronofsky susnommés, ici, cela alourdit considérablement le récit par des effets totalement éculés et mal à propos.
A cela s'ajoute bon nombre de flash-backs et autre cauchemars nous racontant presque explicitement le dénouement de cette intrigue rocambolesque. Près de 2h avant. Là, on se dit "On va s'faire bien chier, ma bonne dame." Surtout que l'on a droit à des transcriptions des fantasmes et autres névroses du héros qui, si elles auraient pu s'avérer intéressantes, sont bien trop présentes et trop loures pour être véritablement digestes.

- Pourquoi t'as fumé ces 6 paquets par jour ? Qui va faire le dîner, à présent ?


Pourtant, le quart d'heure qui suit est certainement le seul moment à garder du film. L'atmosphère paranoïaque - mais non exagérée - et torturée du film y est à son apogée, l'on se sent presque frémir jusqu'au moment où... tout s'effondre, et l'on tombe dans le ridicule/déjà-vu/ennuyeux (rayer la mention inutile). On fait malheureusement très vite le tour des personnages qui manquent cruellement de relief - malgré des prestations spectaculaires, et malgré des petits effets déstabilisant rares, bien trop rares, comme un verre d'eau qui n'existe plus... Une partie de l'asile fait cruellement penser aux vieux films d'horreur de la Hammer - ou, pour les hardcore gamers, à certains passage de Silent Hill dont le sujet de folie est similaire à ce film, mais où, pour le coup, ce même sujet y est littéralement transcendé.
Ici, non.
L'on croit voir des reflets kubrickiens çà et là, des thèmes lynchiens, aussi, et surtout - le film m'a beaucoup fait penser, par sa structure, à Mulholland Drive - mais sans arriver à égaler ces deux poids lourds.
Pourquoi, en effet, ne pas avoir fait un détour plus délicat, certes, mais délicieusement plus pervers par la psychée du personnage ? Une introspection lente mais violente de ce héros torturé qui non seulement nous aurait vraiment mis mal à l'aise, mais nous aurait surpris, choqué, comblé. On me reprochera aisément que "mais là n'est pas le propos du film". C'est assez faux, je trouve, car Scorcese semble vouloir systématiquement franchir la limite en nous imposant ces inutiles rêves sanguinolents.
Pourquoi ne pas tomber dans le freudien ? Le phare, symbole phallique ? Le héros souffrirait-il d'une certaine forme d'impotence ? Ses enfants morts, serait-ce un renvoi à une enfance personnelle douloureuse ? L'image des camps de concentration, Un autisme ? Le feu, une purification, un enfer ? Non, ici, tout est à prendre au pied de la lettre.

- J'ai besoin d'un fix, meeeeeeerde !


Seule peut-être la fin pourra-t-elle faire se relever le bord de nos lèvres en un léger sourire amusé, ce qui fut mon cas, tant je l'ai trouvée... là encore, grossière et éculée.

En définitive, ce film reste un beau ratage. D'un sujet pourtant intéressant - si l'on veut - l'on a droit à 2h17 de stéréotype. Pour tout vous dire, j'ai eu l'impression d'avoir déjà vu ce film auparavant, ce qui n'est pas vraiment un compliment. Un film obèse et boursoufflé.
A voir pour le jeu des acteurs et si l'on a du temps à tuer. Sinon, passez votre chemin, vous ne raterez pas grand-chose.



Shutter Island
de : Martin Scorcese
Avec : Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley
Durée : 2h17
Année de production: 2008


06/03/2010
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