How to kill time

Kaboom

A mi-chemin entre Lynch et le "teen movie" - entendez "le film pour ado" - le nouveau film de Gregg Araki est ce qu'il convient d'appeler un objet filmique non identifié.

 

 

 

 

 

KABOOM

 

 

 

 

 

 

 

Plantons tout d'abord le décor. Smith - campé par un Thomas Dekker tombé dans un pot de peinture - est un étudiant en "college" amoureux de son colocataire (room mate pour être exact), Thor. (Chris Zylka)Comme son nom l'indique, ledit Thor est grand, fort, blond, presqu'une copie conforme de l'ase dont il hérite le nom. Mais aussi con que le héros de comics éponyme. Vous l'aurez compris, Thor est surfeur et présente, au physique près, toutes les qualités que l'on saurait retrouver chez notre Brice de Nice national (sans exagération aucune). Smith finit par tomber dans les bras de London (la charmante Juno Temple à l'oeil qui frise) et se retrouve alors presqu'aussitôt embarqué dans une histoire mêlant complot mondial, fin du monde et rêves...

Car Smith rêve, c'est d'ailleurs sur une séquence onirique que s'ouvre le film, séquence qui préfigurera la narration du film et, d'une certaine manière, l'annoncera.

 

Loin de son précédent coup d'éclat sordide Mysterious Skin, et peut-être plus dans la veine déjantée d'un Smiley Face, Gregg Araki signe dans Kaboom le portrait d'un adolescent en proie à ses plus profondes peurs, certes, mais aussi et surtout à tous ses fantasmes, pulsions et angoisses qui le hantent, comme tout bon adolescent romantique qui se respecte. D'ailleurs, si le film démarre comme une comédie romantique de campus dont Hollywood a le secret (que l'on voudrait qu'elle garde, soit dit en passant) le sujet prend très rapidement un aspect plus sombre avec l'arrivée des fameux comploteurs/assassins aux masques d'animaux. Encore que l'ingurgitation d'un space-cake par Smith peu de temps auparavant puisse venir faire douter de cette expérience vécue par le jeune héros...

 

 

 

 

 

 

Tout, dans le film, est sujet à interrogation. Que ce soit Thor - dont on a parlé - qui représente le parfait stéréotype du bellâtre con comme un manche à balai, de Stella (Haley Bennett, charmante)- la meilleure amie de Smith - dont la petite amie semble présenter un certain nombre de pouvoirs psychiques inhabituels, que ce soient les rencontres de Smith sur la plage nudiste, de son prétendant virtuel, des comploteurs, de la nourriture qui se transforme en vers, Smith qui se fait posséder... Le film entre dans une spirale destructrice jouissive où tous les codes habituels sont alors bouleversés. London reprenant de manière cinglante les piètres performances sexuelles d'un de ses coups d'un soir par des répliques bien sorties "Ce n'est pas un plat de spaghetti" - à replacer dans le contexte - est l'incarnation parfaite de ce à quoi l'on s'attend dans un film : un homme-étalon parfait au plumard sachant satisfaire madame. Sauf que là, en l'occurrence, la gent masculine en prend pour son grade... "Si elles ne t'ont rien dit, c'est pour ne pas blesser ton petit ego viril" est certes cruel mais sonne terriblement vrai...

 

Cette spirale s'accélère donc lentement tout au long du film pour atteindre son paroxysme lors d'un dénouement explosif et, osons le dire, orgasmique. A vrai dire, le film n'est d'aileurs que question de cela.

 

 

 

 

 

 

 

Car finalement, Kaboom n'est pas un film "ordinaire" ni même un gros délire orgiaque filmé par un cinquantenaire libidineux. (c'est fou ce que l'on peut lire sur Internet...) A l'instar d'un Lynch dont il dit s'être inspiré, Araki nous montre l'envers d'une histoire, à savoir qu'il ne filme non plus la narration, ou alors pas totalement, mais le ressenti des personnages, leur psyché, leurs émotions... tout ce qui n'est habituellement pas visible à l'écran. Ainsi, l'on peut tenter de reconstruire l'histoire de Smith en "recollant les morceaux" à la manière d'un Mulholland Drive, en tâchant de séparer le vécu du fantasme pour, finalement, apercevoir l'intériorité de Smith telle qu'elle est : un adolescent en proie à ses complexes en passe de devenir adulte, le tout sublimé par un film à l'aspect d'orgasme, annonçant la fin du monde - celui de Smith, qui, comme tout un chacun, grandit. Et de fait, oublie tout : contes de fées (sorcière), résout son Oedipe, fait des choix dont il doit peser les conséquences...

Kaboom, au-delà, donc, d'un délire personnel, est avant tout un film bien plus profond qu'il n'en a l'air, rythmé par une musique rock du tonnerre (mettre en scène la fin du monde sur du Placebo, il faut avoue que ça ne manque pas de classe) et aux couleurs bariolées - l'image est splendide, chatoyante - traitant de la fin de l'adolescence - thème récurrent chez Araki - en vue subjective, nous dévoilant, finalement, ce qu'il y a de plus enfoui en chacun de nous. Du Lynch, mais plus souriant.

 

 

 

Kaboom

De : Gregg Araki

Avec : Thomas Dekker, Haley Bennett, Juno Temple

Durée : 1h26

Année de production : 2009



21/11/2010
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