How to kill time

Alice in Wonderland

Il était une fois, au royaume étrange de Disney...
Ou plutôt, il n'y avait plus rien, au royaume sus-nommé...

Cet article un rien désabusé n'a que d'autre but que celui de vous raconter comment l'on peut retourner la pensée baudelairienne et faire de la boue à partir de l'or.



L'affiche du film décrit parfaitement ce à quoi l'on doit s'attendre...


ALICE IN WONDERLAND




Le bon goût semble avoir tout de même frappé Tim Burton qui a eu la décence de ne pas appeler le film Alice's adventures in Wonderland, le titre même du premier livre dont est issu le film. C'aurait fait désordre.
Commençons par le commencement : Alice in Wonderland n'est pas une adaptation ni du roman susnommé de Lewis Carroll, ni de Through the looking-glass, que l'on considère (à tort) comme sa suite. C'est, à proprement parler, une pseudo-suite du premier opus de l'auteur anglais avec beaucoup de mélanges, de confusions et d'approximations issues non seulement du second opus mais aussi des poèmes divers et variés de Charles Lutwige Dodgson.

Un beau bric-à-brac.

Comment décrire l'indescriptible... ? L'histoire, comme il est dit, se déroule 13 ans après les aventures relatées dans le livre. Le pays des merveilles a bien changé, et l'on se demande, bien évidemment, pourquoi...
Je ne vais pas faire de synopsis plus approfondi du film, je m'en tiendrais simplement à dévoiler ce qu'il faut pour étayer ce que j'ai à dire.
Le début du film est plutôt sympathique, voire amusant, et je vous avouerais que l'on est presque totalement conquis au moment fatidique où Alice choit dans le profond et sombre terrier du lapin. La suite directe fait presque intégralement écho au livre de Carroll, avant de prendre une chemin totalement différent. Les personnages abondent alors, Tweedle-Dee et Tweedle-Dum en tête - pourtant issu du Looking Glass. (et de comptines anglaises, of course) Qu'à cela ne tienne, Tim Burton les met tous ensemble dans sa soupe et mixe, pour bien homogénéiser. Hélas, dès la rencontre avec la chenille opiomane (oui, il m'a toujours semblé qu'elle était opiomane tendant méchamment vers la junkie attitude, allez savoir pourquoi...) on se retrouve dans un triste blockbuster de Disney, parfois appelé "syndrôme Narnia".


Alice v2.0, plus âgée, moins habillée


"Comment donc ?" vous esclafferez-vous alors. C'est très simple, nous avons là le syndrome typique du film à gros budget et à énorme public. A savoir : le héros/l'héroïne arrive en un lieu X, il y a des problèmes, vite vite vite sauvons le monde et allons castagner les méchants dans une grosse bataille finale avec ENCORE un duel héroïque qui fait battre notre petit coeur.
Oui, j'ai aussi été choqué par la grosse bataille et le duel.

Comment, de là, arriver à se dire "ce film ne sera pas une bouse" alors que l'on sait parfaitement comment tout va se finir ? On ne peut pas, et on poireaute donc plus de 1h30 avant de voir ses craintes confirmées. Où est passé l'onirisme du livre ? Où est passé le côté malsain (oui, oui) de l'oeuvre originale ? L'on était en droit d'attendre de Tim Burton quelque chose  de plus adulte, de plus violent, de plus gothique, de plus torturé. Mais le réalisateur l'a prouvé, autant il est (a été ?) capable du meilleur, autant il est aussi capable du pire (citons les exécrables Big Fish, Planet of the Apes ou même le ridicule Sweeney Todd pour s'en convaincre). Ici encore, il ne nous montre pas ses talents passés, mais nous impose cette vision adolescente.
Oui, adolescente, dans la mesure où l'on se rend bien compte que, finalement, ce film n'est qu'un enfant dans un corps d'adulte. Ca doit vouloir plaire aux deux.


Et c'est, là encore, bien dommage ! L'idée d'un retour au Pays des merveilles aurait pu être un excellent point de départ, le jeu vidéo American McGee's Alice ayant parfaitement su exploiter l'univers pour le rendre plus adulte, avec camisole de force, forceps et demoiselle de fer en sus. Ici, on reste très gentillet.

La Dame de Coeur, encore une fois confondue avec la Reine rouge (du Looking Glass) est risible tant ses vociférations "Off with their heads !" est stridente et mal accordée. Sa tête démesurée la fait ressembler à un culbuto inversé et l'interrogation qui est restée dans ma tête depuis le film est d'ailleurs "que se passerait-il si elle venait à éternuer ??" Les différents protagonistes ont beau répéter qu'elle est folle, on y voit plus volontiers une enfant gâtée en "mal d'amour." Il aurait été intéressant de jouer sur ce tableau-ci si celui-ci n'avait été aussi gros et balourd. Cette grande méchante semble devoir être risible afin de ne pas choquer les âmes sensibles - nous sommes chez Disney, ayons des chamallows !


Dame de coeur à vous l'honneur. Nous parlons bien du même jeu de cartes, le tas de m...


Le chapelier fou est tout aussi chapelier que fou, c'est à dire pas un iota. Certes, il a des cheveux oranges. Pas roux. Oranges. Certes, il a des yeux verts. Et ?
Que dire du dérangeant Cheshire ? Le chat, pour les intimes. Pas grand-chose, sinon qu'il ne dérange guère. Ce n'est là qu'un matou obèse flottillant dans les airs sans faire preuve ni d'humour, ni d'esprit, sans même chercher à irriter Alice ce que pourtant il faisait dans le livre...
Je ne reviendrai pas plus sur la Dame blanche, précieuse bénie-oui-oui aussi diaphane que superficielle, ni sur le lapin blanc, ni sur le valet de coeur ni sur... ni sur...

A trop vouloir en ajouter, Tim Burton a fait de son film un simple musée de personnages bariolés et hauts en couleurs mais... au dépit d'une quelconque intrigue, en oubliant la magie des rêves d'Alice, en voulant être adulte à niveau d'enfant. Donc en se ratant. Pour information, les contes de Perrault sont bien plus sombres que ne l'est le film, qui cherche pourtant à l'être...
Nous passerons ainsi sur le ridicule de nombreuses scènes, atteignant leur paroxysme lors de la confrontation finale avec le Jabberwock(y) qui emprunte tant au film de Terry Gilliam.
Comment donc qualifier ce film ? Décevant, peut-être, tant l'imaginaire de Carroll doublé de celui de Burton aurait pu être sombre et foisonnant. Mais non, le tout accouche d'une souris. A noter que les décors sont de deuxième main, l'on voit pas moins de trois fois l'arbre maudit de Sleepy Hollow... Disney n'aurait-il plus de quoi financer un film ?


PS : La 3D est inutile et fait plus mal au crâne qu'autre chose. A moins que vous n'ayez vraiment envie de perdre encore plus d'argent, à éviter.


Alice in Wonderland
de : Tim Burton
Avec : Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter
Durée : 1h49
Année de production : 2009


28/03/2010
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