How to kill time

Akmareul boatda

Après l'excellent hommage au western spaghetti, le délicieux retour au film d'horreur génial et le film de bandit désenchanté, Kim Jee-Wong revient, au sommet de son art, pour nous proposer une oeuvre des plus violentes et des plus osées qui soient.

 

 

 

 

 

 

Akmareul boatda

 

(J'ai rencontré le diable)

 

 

 

Dans Par-delà bien et mal, Nietzsche nous enseignait "Que celui qui lutte avec des monstres veille à ce que cela ne le transforme pas en monstre. Si tu regardes longtemps au fond de l'abîme, l'abîme aussi regarde au fond de toi."

La maxime, placée tout au début du film, est ainsi une manière de mettre en garde le spectateur contre ce qu'il sera susceptible de voir. Loin d'être une oeuvre cinématographique sur la vengeance, Park chan-Wook ayant déjà transcendé ce sujet, ce film est, à l'inverse du Bittersweet life du même réalisateur, la descente aux enfers d'un policier honnête et droit. Et amoureux. Partant de ce constat initial, l'on pourrait se dire que le film, plongeant tête baissée dans les habituels clichés du bon-flic-honnête-qui-va-péter-un-câble, va être Un Justicier dans la ville # 56. Détrompons-nous.

Certes, le jeune officier, Soo-Hyun, va entrer dans un monde de violence pour venger sa fiancée massacrée. Mais le terrain connu s'arrête ici. Tout, en effet, est révélé dans le premier quart d'heure du film : l'identité du tueur, la décision du policier de se lancer dans une vendetta et un certain détail - classique, lui encore - qui permettra de pousser le pathos, et de facto la rage de Soo-Hyun, encore plus loin.

La suite du film, en revanche, se révèle être autrement plus ambitieuse, plus chaotique, plus violente et, ainsi, infiniment plus géniale que les films de "vigilante" (terme à la mode, profitons-en) effectués jusqu'ici.

 

 

 

 

Le film trace, à partir de cet instant, une course-poursuite sadomasochiste entre Soo-Hyun et son némésis, le tueur Kyung-Chul. (excellent Choi Min-Sik, comme à son habitude) Dès leur première rencontre, le policier va se servir de cet homme fou comme un exutoire et faire en sorte de pouvoir le suivre, inlassablement. Devenant presque de façon métaphorique la conscience jusqu'alors inexistante de Kyung-Chul, Soo-Hyun va se transformer en dieu vengeur, frappant (douloureusement) au moment où le crime va être commis. De coups de serpe en coups de scalpel, le psychopathe Kyung-Chul va sans cesse se faire de nouveau attraper, pour ne recevoir un châtiment que perpétuellement croissant. Punissant de la sorte son chasseur.

Plus il frappe, et plus Soo-Hyun perd l'humanité qui lui restait, se transformant en ce monstre qu'il chassait. La délectation qu'il prend à torturer le bourreau de sa fiancée ne fait, finalement, écho qu'à l'excitation que prenait ce dernier à dépecer ses victimes. Les perches tendues pour ramener le policier à la raison, pour le réhumaniser n'y font rien, il entreprend son long périple dans les neufs cercles des enfers, croisant, sur son passage, de nombreux démons grotesques, cannibales.

La photographie, superbe, renforce le sordide par une vision presque trop artistique des événements. Bien qu'odieux, les faits montrés à l'écran prennent une certaine esthétique. Et nous nous pousse à admirer ce que l'on voit, à y prendre un certain plaisir (masochiste, là encore) en bref, à nous mettre dans la peau du héros. Et c'est là la plus grande force du film, arriver à effectuer cette impensable mise en abyme.

 

 

 

 

 

On ne pourra que louer les performances des acteurs, Choi Min-Sik, bien évidemment parfait dans son rôle de psychopathe mais aussi et surtout Lee Byun-Hun, que l'on savait déjà excellent après son interprétation de la Brute dans le Bon, la Brute et le Cinglé, mais qui arrive à nous montrer la métamorphose de son personnage au visage d'ange, nous rappelant presque la chute de Satan.

Le film, ainsi, ressemble plus à une quête initiatique inversée - ou démoniaque - qu'à un simple film de vengeance. Bien qu'il ne nous montre que des monstres plus hideux les uns que les autres, plus encore que ceux du retable d'Issenheim, Kim Jee-Woon termine son film sur une note optimiste, sans pour autant être mièvre. L'humanité ne serait rien d'autre que cela. De la chair vide, bonne simplement à être mangée (au petit-déjeuner, par exemple) ou anéantie. Mais un espoir subsiste.

On pourra critiquer la violence absolue qui est présente dans ce film déjà profondément malsain et qui nous laisse sur la sellette durant les 2h20 qu'il dure. Certes, le film est dur, rebutant, peut-être, certainement insoutenable mais, à la différence des films de boucher récents comme Saw ou Hostel, le malsain ne vient pas tant de la complaisance qu'il pourrait y avoir à montrer la scène que notre propre envie cathartique de voir la bête être mise à mal. Et le film de nous pousser à l'introspection, par mise en abyme, comme déjà souligné. De nous livrer à notre conscience. Et de nous le faire regretter.

Exactement comme Soo-Hyun.

 

 

Akmareul boatda

de : Kim Jee-Woon

Avec : Lee Byun-Hun, Choi Min-Sik

Durée : 2h22

Année de production : 2010



21/08/2011
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